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à corps perdu
6 décembre 2007

Gilles, 38 ans, malade du cancer

Bonjour !

Je m'appelle Gilles. J'ai 38 ans, suis marié et père de 2 garçons de 5 et 1 an. Mon métier, sans doute l'un des plus beaux mais aussi très dur métier : professeur des écoles. Je ne vais pas m'étaler davantage sur les présentations, elles se feront au fur et à mesure. Je ne sais même pas encore ce que je vais ou veux y mettre dans ce blog et dans quel but je le fais. Je ressens le besoin d'écrire, alors j'écris. Je voudrais par avance m'excuser pour les fautes qui ne manqueront de s'inscrire tout au long de ces lignes. Je ne veux pas m'interrompre pour corriger, de peur de perdre le fil de mes pensées, ni me relire, de peur qu'il me vienne l'envie de tout effacer !

J'ai appris il y a quelques semaines que j'étais atteint d'un cancer colo-rectal avec des métastases au foie. Autant dire que les nouvelles n'étaient pas bonnes. Elles ne le sont toujours pas d'ailleurs mais j'ai apprivoisé cette idée d'être atteint d'une maladie mortelle. Je l'ai fait relativement rapidement sans trop savoir comment, ni pourquoi. J'aime la vie et je n'ai pas spécialement envie de partir plus tôt que la moyenne me l'aurait laissé espérée. Je trouve cette situation ni juste, ni injuste. Je n'arrive même pas à me dire "pourquoi moi", ni "pourquoi maintenant", je serais plus facilement enclin à dire "pourquoi pas moi". Quant à l'âge, il n'est nul part écrit que je mourrais vieux. Partant de ce constat, je me dis que je suis naturellement malade, que ce n'est pas un choix de ma part, que la vie l'a décidé ainsi. Avec un peu d'aide de ma part, peut-être qu'elle décidera aussi de m'éparger une fin précoce, de repousser la mort à plus tard. Non, vraiment, ce n'est pas un choix de ma part alors je ne suis pas en colère, je n'en veux pas à cette foutue vie si imparfaite mais tellement belle ! La mort fait partie de la vie, il n'y a pas d'autre issue, c'est seulement l'heure à laquelle elle vient frapper et les conditions de sa venue qui diffèrent d'un être à l'autre. En tant que malade, je me dis que si cette mort avait finalement raison de moi dans quelques mois, ce serait certainement pour me délivrer des souffrances insupportables qui ne manqueront pas d'accompagner la maladie.

En attendant, je vais bien. Je n'ai pas de véritable douleurs même si je sais que la chimiothérapie à venir va me faire passer par une étape peu enviable. Je suis prêt à affronter cette épreuve. Comme je le disais à un proche, je me sens comme un soldat qui est sur le point de livrer bataille avec tous les risques que cela comporte. Je crains la souffrance mais cela ne me freine pas mon envie de partir au combat au plus vite. J'y vais pour sauver, ou plutôt, prolonger ma vie, retrouver ma liberté que la maladie grave a le pouvoir de vous priver en vous enfermant dans un monde tourné vers elle, la mort et vous-même. Je comprends mieux aujourd'hui, ces soldats prêts à en découdre au péril de leurs vies pour combattre un ennemi venu les priver de leur liberté de vivre et d'être heureux.

Malgré tout cela, j'ai le moral, je ne me sens pas angoissé. J'accepte la vie telle qu'elle est et je ne me prive de rien. Je ne travaille plus depuis bientôt 2 semaines et j'ai des milliers de choses à faire, j'arrive à faire des projets et j'ai le sentiment d'avoir réussi quelque part à échapper à ce huis clos à trois dont je parlais plus haut. C'est peut-être une première bataille de gagner même si je suis très conscient que je ne pourrais pas être maître de tout, que la désespérance pourrait très vite succéder à l'espoir et la volonté qui m'anime en ce moment. Je vais tâcher de rester vigilant.

Je ne sais pas si je dois donner l'adresse de ce blog à mes proches. J'ai peur que le contenu leur apparaisse comme une sorte de testament. J'ai le sentiment au fur et à mesure des messages que je reçois que mon état d'esprit à rejaillit sur mon entourage. A la différence de moi,  ces personnes que j'aime me donne l'impression d'avoir oublié que la volonté à elle seule ne suffira pas à vaincre le cancer. Je me demande si ils ont conscience que la mort ne m'épargnera peut-être pas. En tout cas, ce que j'affiche les rassure et c'est déjà en soi une petite victoire aussi ! Si mon destin basculait du mauvais côté, il serait bien assez tôt pour pleurer sur mon sort et de toute façon, voir souffrir mes proches ne m'aiderait pas à surmonter cette épreuve. Mais cela ne répond pas à ma question : dois-je tout leur dire ? Je fais inévitablement des retours sur ma vie. De cette vie, je retiens principalement des personnes, des visages et des rencontres. Mon voeu le plus cher serait de dire à chacune d'elle à quel point je l'ai aimé et pourquoi je l'ai tant aimé, avant qu'il ne soit trop tard. Et si jamais ce "trop tard" venait par bonheur beaucoup moins rapidement, alors j'aurais dit je t'aime à chaque être qui compte dans ma vie ou qui a compté. C'est con à dire :  il faut en arriver là pour comprendre qu'effectivement, cette banalité qui consiste à claironner qu'il n'y a pas plus important que de dire et vivre l'amour est donc la chose la plus vraie qui m'est jamais été donné de ressentir !

Je ne suis pas un sauvage mais je ne dit pas facilement que j'aime. Je suis ce qu'on pourrait appeler un être pudique. Je suis capable d'amour, de le dire et même d'aller très loin pour avoir l'occasion de le dire mais une fois dit, je me tais, comme si je ne pouvais pas revenir sur ma parole, que ces sentiments ne pouvaient souffrir d'aucune remise en cause. Ils étaient là comme une évidence. Pourtant, depuis quelques jours, je ressens à nouveau ce besoin de redire à mon entourage et aux personnes que j'ai aimé que oui, elles font partie de moi, qu'elles m'ont aidé à me construire et que je leur suis reconnaissant pour cela, pour les bonheurs qu'elles m'apportent ou m'ont apportées. Mais comment dire ceci sans leur faire inmanquablement croire que je me suis quelque part résigné ou fait à l'idée que je vais peut-être partir ?

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Commentaires
P
Le cancer, je suis en plein dedans avec ma mère. Et mon métier c'est assistante funéraire, alors tu vois le crabe et moi on se connait bien. C'est bien de t'exprimer ici, mais peut être serait-ce bien aussi de partager avec les tiens. Rien n'est pire que le non dit. Tes proches vont se douter, et il y aura des choses que tu voudras leur dire, et qu'ils voudront te dire mais tout restera derrière le rideau de la pudeur.<br /> La peur n'évite pas le danger et la parole est souvent souveraine. <br /> Je reviendrais te lire.<br /> Je pense que tu abordes les choses comme il faut, je ne te souhaite pas bon courage, c'est trop dérisoire.<br /> Cordialement.
P
courage!!! profite de la vie au jours le jour, ne pense pas à demain, à chaque jour suffit sa peine. Moi je ne parlerai pas du blog a mes proches a ta place. C'est ton jardin secret, enfin c'est comme tu le sens!!!!!
à corps perdu
  • ma vie face à la maladie et à l'dée de mort. mes envies, mes doutes, mes espoirs. Ma famille, mes amis. Vivre la souffrance, les traitements. Le monde médical. La justice et l'injustice de la vie. accepter la mort. mes souvenirs d'avant et mes projets.
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